Pendant ma « période Alsacienne », j’ai eu le plaisir de servir sous les ordres du Général FONSS. J’appréciais beaucoup cet homme compétent et débonnaire. D’origine asiatique, il s’exprimait avec élégance et style. Son phrasé mélangeait un sens aigu de la nuance et de l’image. Son seul défaut semblait être son incapacité à mémoriser les noms de ses hommes, y compris ceux de ses plus proches collaborateurs. Durant les trois années passées à ses côtés en tant qu’aide de camp, je fus ainsi affublé d’une quantité impressionnante de prénoms sans rapport avec une quelconque réalité.
Lorsque la 13ème escadre de chasse se vit dotée du Rafale C, le Général FONSS éprouva un sentiment de satisfaction mêlée d’une pointe de nostalgie. En effet, pour lui qui avait connu les premières heures du Mirage III C au 2/13 « Alpes », l’arrivé du Rafale se conjuguait avec l’aube de sa carrière.
Lors de la cérémonie de réception des nouveaux appareils, le Gal FONSS prononça un discours empreint de lyrisme qui s’achevait ainsi :
« Nous avions découvert le meilleur avec nos Mirages ; le Rafale nous apporte l’excellence. Ces splendides appareils symbolisent une évolution dans la continuité. Notre savoir-faire et nos valeurs se perpétuent car, sous la peau de nos Rafales, bat un cœur de Mirage. »
« Un cœur de Mirage… » pensais-je. Cette dernière phrase resta longtemps gravée dans ma mémoire.
Comme nous l’avions pressenti, le Gal FONSS fit valoir son droit à la retraite quelques mois plus tard. A l’issue de l’ultime journée, il me demanda de l’accompagner à la gare de Colmar. J’acceptais avec un sourire qui n’était que façade.
Quelques instants avant le départ du train, je lui remis la maquette du Rafale que j’avais imaginée et réalisée pour lui. Tout d’abord un peu surpris, il observa le modèle réduit avec un ravissement non feint. Après un moment de silence chargé d’émotion, il dit simplement :
« Un Rafale cœur de Mirage… merci pour ce superbe cadeau Didier ! ».
Flatté et ému, je répondis sincèrement :
« C’est bien peu de chose mon Général. Ce fut un plaisir de servir sous vos ordres ».
Après un moment de réflexion, je ne pus m’empêcher d’ajouter :
«… Sauf votre respect mon Général, mon prénom est Olivier… ».
[…]
Le Rafale « Cœur de Mirage » en maquette
Chasseur d’hier : le Mirage III C…
… et celui d’aujourd’hui : le Rafale
Le Rafale « Coeur de Mirage »
Extrait du livre « Les mémoires d’un aide de camp » du Lieutenant Olivier THAI-FOON (Edition MegaPresse)