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Jack l’éventreur

Récit de Colonel Aladine Bowee, Chef de mission dans l’US Air force en 1945

Nous avions pour objectif le gigantesque complexe industriel de Yamcha situé au Nord-Ouest du Japon. La guerre tirait à sa fin. L’armée Japonaise était tellement affaiblit que la chasse adverse était pour ainsi dire inexistante.  Cette supériorité nous permettait d’effectuer des missions de bombardement avec une escorte réduite voire nulle. Pour être franc, je dois reconnaître que notre chasse était également exsangue, après ces années de combat. Aussi, l’absence de couverture aérienne n’était pas forcément voulue.

La nuit du 13 août 1945 restera à jamais gravée dans ma mémoire. Alors que nous nous apprêtions à larguer nos bombes. Cinq chasseurs Japonais ont surgi de nulle part. Cinq chasseurs Mitsubishi Raiden que nous appelions communément « Jack ». Compte-tenu de nombre de mitrailleurs embarqués par nos Boeing B-29 Superfortress, il va sans dire que le danger ne semblait pas très élevé.

Ce manque de concentration fut instantanément fatal à deux bombardiers. Les Raiden semblaient être partout à la fois. Ils virevoltaient au sein même de notre formation tout en semant la mort et la destruction. L’agilité et la vitesse des appareils les rendaient insaisissables. L’élément le plus stupéfiant était leur capacité à nous infliger de lourds dégâts avec un nombre de passes de tir réduit. Nous avions beau connaître la silhouette du Mitsubishi J2M Raiden par cœur, ils nous étaient impossible de comprendre comment un simple quintet de chasseurs pouvaient nous infliger des coups aussi durs.

De retour de mission, j’ai pu constater le bilan catastrophique de notre sortie. Nous avions perdu sept bombardiers sur quinze. Parmi les survivants, trois étaient tellement endommagés qu’ils ne voleraient probablement plus. Abasourdi et atterré, notre Chef mécano fit le tour des appareils. Il resta prostré en découvrant les dégâts subit lors d’un coup au but sur le fuselage de mon zinc. Après  de longues minutes, il murmura à voix basse : « Ce n’est pas un Raiden qui peut faire cela… c’est Jack l’éventreur ».  Ce surnom, fit rapidement le tour de l’escadrille, inspirant à la fois le respect et la terreur.



Boeing B-29 Superfortress au retour d’une mission sur Yamcha (source : beforeitsnews.com)

Récit de Tapion N’Lin-Ha, Directeur du département des armes spéciales dans l’armée de l’air japonaise (de 1943 à 1945)

« Jack l’éventreur » ?! … Oui, j’ai entendu parler de ce surnom. A cette époque, notre département avait pour mission de créer des armes de dissuasion. L’idée force était de provoquer un maximum de confusion dans les rangs ennemis. Certes, la fin prochaine devenait de plus en plus probable. Ceci dit, nous avions à cœur de redonner, ou à minima conserver, une forme d’espoir au sein de nos troupes. C’est dans ce but que nous avions créé les Raiden « Kai » [ Note de l’auteur : Kai peut se traduire par « modifié » ou « amélioré » ].


Mitsubishi J2M Raiden, nom de code Jack dans l’US Air Force (source : forum.warthunder.com)

Les modifications étaient somme toute assez classiques. Nous avions augmenté la puissance du moteur par l’ajout d’une injection d’eau sophistiquée. De même, l’armement de bord avait été remplacé par une paire de canons Ho-203 de 37 mm, dérivés d’un modèle utilisé dans l’artillerie. Compte-tenu de la taille imposante de son chargeur, nous avions ajouté des bossages sur le dessus des ailes.


Canon Ho-203 de 37 mm (source : pwencycl.kgbudge.com)

Lors de la  première attaque de la zone industrielle de Yamcha, nous n’avions modifié que sept appareils dont cinq seulement étaient en état de voler. Envoyer nos Raiden Kai au combat était une pure folie. Ceci dit, les bombardements risquaient de raser notre atelier dans les semaines suivantes. Aussi, nos trois pilotes d’essai ainsi que deux mécaniciens se portèrent volontaires pour défendre le complexe industriel. Avec le recul, notre préparation au combat pourrait paraître risible. Nous étions des ingénieurs et non des combattants. Les prototypes furent camouflés hâtivement avec de la peinture achetée chez un quincaillier. Les mécaniciens travaillèrent jour et nuit pour combler leurs lacunes en combat aérien. Mon Adjoint réussit à récupérer de l’huile extra-fine auprès d’un fabricant de roulement à billes, situé non loin de notre atelier. Je vous fait grâce d’autres anecdotes du même acabit…



L’atelier des armes spéciales situé à Yamcha (source : worldwarphotos.info)

Le nombre d’appareils américains abattus durant la première mission, nous rendit à la fois confiants et fiers de notre création. Lorsque les raids cessèrent brusquement, nous comprimes assez vite que notre arme de dissuasion était efficiente. Nous avions réussi notre mission ! Au fond de nous même, nous savions toutefois que ces succès n’étaient qu’un baroud d’honneur et que la fin approchait…

Récit du Capitaine Paul M. Glaser, pilote de chasse dans l’US Air force (de 1939 à 1955)

L’Etat major de l’US Air force pris très au sérieux cette histoire de Jack l’éventreur. Le spectre de ses Raiden surpuissants avait totalement miné le moral des équipages de bombardiers. En l’absence d’escorte, les opérations prévues sur la région de Yamcha furent purement et simplement annulées.

A titre personnel, je ne savais pas trop quoi penser de cette situation. La guerre avait usé les esprits. La moindre rumeur devenait une vérité. Certes, j’avais vu les photos des dégâts causés par les appareils japonais. Malgré tout, j’avais beaucoup de mal à croire qu’une poignée de Mitsubishi Raiden soit capable d’infliger de tels dégâts à nos B-29. C’est pour mettre fin à situation déstabilisante que nous avions reçu pour mission de tendre une embuscade aux appareils Japonais.

Nous étions alors équipés de Northrop P-61 Black Widow. Outre un armement efficace, cet appareil était un des rares équipés de radar. Grâce à cet équipement, nous pourrions « voir sans être vus » et nous réserver ainsi un coup d’avance sur l’adversaire. Enfin… théoriquement.


Northrop P-61 Black Widow (source : wikimedia)

L’opération débuta le 26 octobre 1945 en début de soirée. Lors nos échanges radio, nos dix chasseurs utilisèrent des codes d’identification réservés aux bombardiers. Nous pensions ainsi appâter les Super-Raiden pour mieux les surprendre.  Après vingt minutes de vol au-dessus de Yamcha, nous commencions à douter de la réussite de notre mission. L’attaque des Éventreurs nous surpris d’autant. Alors qu’ils venaient à peine d’apparaître sur nos écrans radar, le quintet de Raiden fondit sur nous et passa immédiatement à l’offensive. En l’espace de trente secondes, un des notre explosa et un second fut descendu en flammes. Presque par réflexe, le Lieutenant Lemmy Campbell riposta et abattit un Jack.

La violente mêlée qui s’en suivit vit un déluge de feu et de flammes dans le ciel japonais. Les Raiden avaient la puissance de feu pour avantage. Notre atout maître était l’équipement radar. Comme nous l’avions prévu, le soleil couchant devint notre allié. L’obscurité naissante fit basculer de notre côté, une victoire jusqu’alors incertaine. Gênés par la lumière déclinante, les pilotes japonais se firent moins précis. Guidés par nos radaristes, nous ajoutâmes plusieurs victoires contre un minimum de pertes. Après une demi-heure de combat, notre tableau de chasse totalisait quatre victoires et une probable. Le ciel était vide d’ennemi et notre mission accomplie.

Notre retour à la base fut salué par les acclamations des pilotes et équipages de bombardiers. Après de longues minutes d’accolades euphoriques, un Major me demanda de raconter comment nous avions abattu ces avions redoutables. Le Major insistât pour connaître les détails de la destruction supposée du dernier Raiden. Je ne pus lui en dire plus faute d’élément attestant formellement d’une cinquième et dernière victoire. Contre toute attente, mon récit fit l’effet d’une douche froide. Dans l’assistance, la liesse générale fit place à des murmures et des mines consternées. La légende de Jack l’éventreur vécut encore plusieurs semaines avant que la sérénité ne reviennent parmi les équipages des bombardiers.

Extrait du livre « Les armes secrètes de la guerre du Pacifique » par Jonas LEITCH (aux éditions Bulma)

Maquette du Mitsubishi J2M Raiden Kai dit « Jack l’éventreur » (second prototype)